La Flottille Sumud, composée d’une cinquantaine de navires et de milliers de participants, illustre comment solidarité et écologie peuvent naviguer main dans la main.
Au-delà de son ambition politique et humanitaire — briser symboliquement le blocus de Gaza et apporter une aide vitale — la Global Sumud Flotilla s’impose aussi comme une initiative à forte dimension écologique. Plus de 15 000 personnes issues de 44 pays se sont enregistrées pour participer à ce mouvement maritime, composé d’une cinquantaine de navires de taille moyenne, certains propulsés en partie à la voile. Ce choix du transport par mer n’est pas anodin : il témoigne d’une volonté de cohérence entre justice sociale et responsabilité climatique. [1]
Un choix de transport stratégique et écologique
Dans l’imaginaire collectif, un convoi de solidarité prend souvent la forme de colonnes de bus et de voitures, ou d’un pont aérien reliant plusieurs capitales. Mais dans le cas de Gaza, le passage terrestre s’avère quasi impossible : il faudrait traverser la Libye, puis l’Égypte jusqu’au poste de Rafah, au prix de lourdes contraintes politiques et sécuritaires. Une telle option, si elle était autorisée, aurait de surcroît un impact environnemental colossal.
En comparaison, le transport maritime se distingue par une efficacité énergétique largement supérieure. Selon les estimations de l’Agence européenne pour l’environnement, un cargo moyen émet environ
10 à 20 grammes de CO₂ par tonne-kilomètre, contre
60 à 120 grammes pour des véhicules routiers et plus de
500 grammes pour un avion de ligne. La mer, même parcourue par des moteurs diesel, reste donc le mode de transport de masse le plus sobre en carbone. [
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Une comparaison chiffrée parlante
Pour mieux mesurer l’impact écologique, il est utile de comparer différents scénarios pour déplacer environ 15 000 personnes et plusieurs centaines de tonnes d’aide humanitaire entre l’Europe et Gaza (2 000 km de trajet moyen) :
Scénario
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Émissions estimées (CO₂ total)
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Remarques
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Flottille (50 navires mixtes, dont voiliers)
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~3 000 – 5 000 tonnes
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Plusieurs bateaux utilisent partiellement la voile, réduisant les émissions.
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Convoi terrestre (1 000 bus et camions)
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~20 000 – 25 000 tonnes
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Traversée de 3 pays, carburant fossile sur routes longues et désertiques.
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Pont aérien (60 vols charter type A320)
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~80 000 – 90 000 tonnes
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Transport le plus rapide, mais aussi le plus polluant de loin.
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Ces chiffres, basés sur des facteurs d’émissions moyens, montrent que la flottille réduit d’environ 80 % les émissions par rapport à un convoi routier, et de près de 95 % par rapport à l’avion.
La symbolique du vent et de la résilience
L’initiative prend aussi une dimension poétique et politique : une partie des navires sont de simples voiliers, où le vent devient l’allié de la solidarité. Cette reliance à une énergie naturelle, gratuite et propre, renforce le sens du mot Sumud — la « résilience », la persévérance — qui donne son nom à la flottille [
3]. Elle incarne un refus du gaspillage et de la violence, au profit d’un voyage collectif sobre et déterminé.
Solidarité et écologie, un même horizon
En définitive, la Global Sumud Flotilla ne se contente pas de défier un blocus contesté par le droit international. Elle propose aussi une nouvelle manière de penser la solidarité internationale : une solidarité qui n’aggrave pas la crise climatique, mais au contraire l’intègre comme une donnée essentielle. Alors que la planète subit déjà les effets dévastateurs du réchauffement, l’idée que la lutte pour la justice en Palestine puisse s’articuler à une justice climatique confère à cette initiative une puissance symbolique inédite.
Le message est clair : défendre Gaza, c’est aussi défendre l’avenir commun des peuples face aux guerres, aux famines… et au dérèglement climatique.
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