Avec les bouleversements climatiques profonds que connaît la planète, les maladies infectieuses liées aux crises et aux mutations environnementales se propagent de plus en plus rapidement. Déforestation, pollution, chaleur excessive et phénomènes météorologiques extrêmes alimentent l’émergence de maladies zoonotiques et de virus transmis par des vecteurs, devenus une préoccupation sanitaire majeure.
En 2018, des chercheurs polonais et français publiaient une étude soulignant le risque d’apparition de nouvelles infections à coronavirus liées à la déforestation, notamment en Asie du Sud-Est. Leur hypothèse : des colonies de chauves-souris porteuses de virus, privées de leurs habitats forestiers, se seraient rapprochées des zones habitées par l’homme. Trouvant refuge dans des environnements tels que maisons ou étables, elles auraient accru le risque de transmission aux populations humaines.
Cette proximité nouvelle illustre le lien direct entre dégradation écologique et émergence de zoonoses. Les « fuites zoonotiques » — le passage d’agents pathogènes de l’animal à l’homme — concernent environ 60 % des maladies infectieuses émergentes. L’exemple le plus connu est celui du VIH, issu de virus présents chez les primates africains, à l’origine de la pandémie mondiale de sida. On peut aussi citer Ebola, probablement transmis par les chauves-souris frugivores, qui a provoqué plusieurs flambées en Afrique de l’Ouest.
La déforestation modifie également la distribution des animaux et des vecteurs. Les moustiques, tiques, mouches ou puces peuvent transmettre des agents pathogènes à l’homme. Dengue, paludisme, Zika ou chikungunya font partie de ces maladies dont la propagation est exacerbée par la destruction des forêts. Une étude menée sur 87 espèces de moustiques dans 12 pays de cinq continents a révélé que plus de la moitié proliféraient davantage dans des zones déboisées, y compris celles connues pour transmettre des maladies humaines. Les points d’eau artificiels et la présence d’animaux d’élevage comme hôtes alternatifs favorisent aussi ce processus.
La déforestation entraîne la modification des habitats et la propagation de vecteurs à proximité des établissements humains
La perte de biodiversité, conséquence inéluctable de la déforestation, constitue un facteur aggravant. Elle peut, par exemple, accroître les cas de maladie de Lyme ou de virus du Nil occidental aux États-Unis. Une étude centrée sur l’expansion des plantations de palmiers à huile entre 1990 et 2016 a démontré l’augmentation corrélée des maladies zoonotiques et transmises par des vecteurs.
Le changement climatique accentue ces dynamiques. Les moustiques, animaux à sang froid, voient leur survie, leur capacité d’infection et la vitesse de développement des agents pathogènes en leur sein augmenter avec la hausse des températures. Résultat : certaines maladies s’installent dans de nouvelles zones. En Éthiopie et en Colombie, par exemple, le paludisme est désormais présent à des altitudes où il n’existait pas auparavant. En Europe, la présence du moustique tigre, vecteur de la dengue et du chikungunya, s’est étendue à 13 pays de l’Union européenne en 2023, contre seulement 8 en 2013.
Les événements météorologiques extrêmes, tels que cyclones, tempêtes et inondations, favorisent eux aussi la propagation de maladies, notamment hydriques, en perturbant les systèmes d’assainissement et en disséminant les agents pathogènes dans l’environnement. De plus, le réchauffement des eaux marines crée des conditions idéales pour la prolifération de bactéries comme le vibrion du choléra, capable de provoquer de nouvelles épidémies.
Les scientifiques soulignent qu’il est essentiel de mieux comprendre les multiples facteurs environnementaux à l’origine des maladies infectieuses pour garantir la sécurité sanitaire mondiale. Mais pour faire face à ces menaces croissantes, il faudra aller au-delà de la recherche : des efforts politiques, institutionnels et une coopération internationale renforcée s’imposent.
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